Premiers pas d'une princesse hors de son palais (Libre)

Je regardais autour de moi, ne voyant que des arbres partout. A gauche, à droite, devant, derrière. Je levais la tête pour apercevoir le ciel entre les feuillages serrés, s'agitant au gré du vent. Mais quelle sôte idée j'avais eu de venir m'égarer ici ? Je n'aurais pas pu tomber dans un autre endroit ? D'ordinaire, j'avais plutôt un bon sens de l'orientation, mais là c'était différent, je me retrouvais dans un endroit que je ne connaissais pas du tout, un lieu dans lequel je venais de poser le pied pour la première fois il y avait... euh, combien de temps déjà ? Je ne savais même plus depuis combien de temps je vagabondais dans la forêt à la recherche de repaires en vain, ayant l'impression au mieux de tourner en rond, au pire de m'enfoncer plus profondément encore. Comment en étais-je arrivée là ? Oh, juste ma stupidité, et mon envie d'indépendance, la routine habituelle quoi. Quoi, tu veux des détails ? Mais t'es pas un peu casse pied toi, à peine arrivé ?

Bon, pour tout dire... Lorsque le bus est sortit du tunnel étrange que nous avions traversé afin d'atterir au lycée Yôkai, et qu'il avait ouvert ses portes, je m'étais précipitée à l'extérieur. Ce qui m'avait accueillie ? Un épouvantail à tête de citrouille sur lequel était accroché un panneau, " Lycée Privé Yôkai " , à côté se trouvait un arbre mort à l'écorce noircie. Cela faisait froid dans le dos... Ou pas ! Moi au contraire cela m'avait amusée, c'était censé être effrayant ? Ils avaient raté leur coup. Enfin, j'avais entendu mon jumeau, Ichinose, me rejoindre, mais j'avais eu envie d'être seule, juste un moment, prenant ma forme de chat, courant ventre à terre dans je ne sais trop qu'elle direction. Lorsque j'avais vu une forêt, je m'étais aussitôt dit que c'était très certainement l'endroit parfait pour être isolée, au moins quelques temps. Alors, reprenant ma forme humaine, masquant mes oreilles et ma queue de chat, j'avais commencé à vagabonder dans ce bois lugubre. Et, le comble, j'avais fini par m'y perdre. Même si je ne l'admettrais jamais à voix haute.

J'aurais bien pu appeler mon frère à l'aide, grâce à la télépathie, mais je m'y refusais. Je me sentirais trop bête à réclamer l'aide de celui que j'avais fuit un peu plus tôt. Ce serait le pire des combles non ? Et j'étais trop fière pour admettre devant eux que je m'étais perdue. Non, je préférais chercher moi même mon chemin. C'était peut-être idiot, vu que je risquais d'y passer des heures, mais que voulez-vous, c'est mon problème après tout. Et puis, j'aime bien le calme de la forêt, dans le pire des cas cela ne me dérangeait pas vraiment si je devais y passer la nuit, cela pourrait même être amusant qui sait ?

Je me demandais soudain si, quelqu'un d'autre, ne pouvait pas se promener en forêt ? J'aimerais bien, non pas pour me faire des "amis" mais plutôt pour ... m'amuser, d'une manière peu recommandable je l'admet mais qui était ma manière de passer le temps, qu'elle plaise ou non aux autres. Tant que ce que je faisais m'amuser, j'avais tendance à me ficher de l'avis des autres. Egocentrique, tu dis ? Oui, et alors ? Cela te pose un problème ? Je suis égocentrique, je ne vois que mon propre intérêt et j'en suis fière, pourquoi en serait-il autrement, franchement ?

Je frémis soudain, entendant un bruissement proche. Je fis aussitôt volte face, et regardait partout, mes sens aux aguets. Par réflexe, je laissais mes ongles s'allonger pour devenir des griffe tranchantes, tandis que mon regard passait du bleu saphir au rouge rubis. Mes yeux balayait les environs d'un air méfiant, cherchant d'où provenait le bruit que j'avais entendu. Bien sûr cela n'était peut-être qu'un simple animal sauvage, il ne fallait pas oublier que j'étais dans une forêt non plus, mais je préférais être méfiante que me faire prendre totalement au dépourvu par un ennemi.

- Il y a quelqu'un ? Si oui, ne soit pas lâche et montre-toi ! grondrais-je d'une voix forte afin que l'on puisse m'entendre d'assez loin.

J'étais sur mes gardes, prête à sauter à la gorge de la première personne qui se montrerait, si elle faisait preuve d'animosité à mon égard. Un grondement monta dans ma gorge, lorsque je vis arriver un homme à l'apparence jeune, bien que semblant plus âgé que moi tout de même -plus grand que moi, surtout-, et qu'il s'appuyait sur une canne, boitant quelques peu. Il tendait une main vers moi, comme pour me dire de ne pas l'attaquer, et s'adressa à moi d'une voix douce, qui ne m'ôta pas ma méfiance. Je le détaillais du regard, ses yeux d'un bleu profond dans lequel on risquait de se noyer si l'on y plongeait, des cheveux assortis qui encadraient son visage, il avait un air angélique. Dangereusement angélique. Il en était presque effrayant. A ses paroles je reculais légèrement, lâchant un soupir, vexée, sans pour autant répondre aussitôt.

Je ne lâchais pas l'homme du regard tandis qu'il allait s'asseoir sur une souche d'arbre à proximité, sortant une pomme qu'il mangea tranquillement. Quant à moi, je m'appuyais contre un arbre, le toisant d'un air méfiant, me braquant dés qu'il me fit la proposition de m'aider à sortir de la forêt. J'étais pas une gosse à qui on devait tenir la main, merci bien !

- De un, je ne suis pas une gamine. De deux... Je ne... Bon, d'accord, je suis perdue. Et alors ? Je marquais une pause, avant de reprendre. Mais non, merci. Je me débrouillerais pour retrouver mon chemin.

Je n'avais rien à dire de plus. Simplement, je ne lui faisais pas confiance. Je le connaissais depuis même pas cinq minutes, et il croyait que j'allais l'écouter, alors qu'il pouvait bien en profiter pour me violer, me dévorer, ou me tuer, voire les trois à la fois. Il croyait quoi ? Que j'étais naïve ? Bon, après, j'étais peut-être un peu paranoïaque... Mais je préférais ça plutôt que de me laisser avoir par n'importe qui. En parlant de ça...

- Puis-je savoir à qui j'ai l'honneur ?

Peut-être était-ce un ancien élève du lycée, et peut-être même qu'il connaissait Maman, Papa, ou mon beau-père ? J'aimerais bien en savoir un peu plus sur mon père... Après tout, je ne savais que ce qu'il y avait dans le journal intime de Maman, et son album photo... Elle avait toujours refusé de m'en parler elle-même. Peut-être parce qu'elle avait toujours mal ? Je n'en savais rien.

- Je... Je suis Himeka Hijiyama. Peut-être connaissez-vous mes parents, si vous êtes un ancien élève ? Yûki Kurosu... Et June Hijiyama...?

Une lueur d'espoir brillait dans mon regard, peut-être était-ce idiot, puisqu'il était possible qu'il ne soit pas un ancien élève, et que pour lui mes paroles soient totalement déplacées... Mais qui ne tente rien n'a rien, après tout. De toute manière, c'était trop tard pour revenir en arrière.

En vérité, il n'avait pas l'air de vraiment me vouloir du mal, mais j'avais côtoyé une manipulatrice née toute ma vie, ma demie-soeur Yuze, donc je ne pouvais que savoir à quel point il était facile de faire semblant, de jouer un rôle. Alors mieux valait se méfier, rester sur ses gardes, et ne compter que sur soi-même. C'était là... la seule chance de survivre, dans ce monde de chiens.

Pourtant, je tiquais à son nom. Altair Seiumi. Seiumi ? N'était-ce pas là un nom qui figurait dans le journal de maman ? Plusieurs fois en plus. Je savais qu'elle parlait un peu d'Altair dedans, comme elle parlait de tout le comité, mais il y avait un autre nom... Il faudrait que je vérifie. Je m'inclinais légèrement à mon tour, sans rien dire. Professeur d'histoire et légendes des monstres... Hm, ça pourrait être intéressant.

Je le regardais, intriguée de le voir sourire lorsque j'avais prononcé le nom de ma mère. Puis, ses paroles m'arrachèrent aussi un sourire, finalement. Il était vrai que ma mère avait été le bras droit du comité. Peut-être allais-je y entrer moi aussi, pour suivre ses traces ? Si je parvenais à en rencontrer le chef, pourquoi pas...

Je remarquais sans mal qu'il avait du mal avec le mot père. Un peu comme moi. Peut-être parce que moi je n'avais jamais connu le mien, et que je gardais une certaine rancune contre lui parce qu'il avait abandonné maman en la faisant souffrir, la laissant seule avec Ichinose et moi à élever alors que nous n'avions que quelques mois. Je n'avais jamais compris. Malgré que ce soit écrit dans le journal intime de maman, je savais tout ce qu'il s'était passé. Mais s'il nous aimait, mon frère et moi, pourquoi n'avait-il jamais cherché à nous retrouver, à nous écrire, à nous rencontrer ? Il s'était mué dans le silence, ne devenant à mes yeux qu'un inconnu dont nous avions hérité du physique avec Ichinose -bien que mes cheveux étaient teints, pour masquer cette couleur bleue par du brun-, un inconnu qu'un jour peut-être j'aurais en face de moi, un inconnu que je devrais appeler « papa ». Y parviendrais-je seulement, alors que je n'avais jamais appris ce mot ? Même mon beau-père, je l'appelais uniquement par son prénom. Je ne savais pas vraiment ce que je ressentais pour June, mon père biologique, ce neko qui avait fait battre le cœur de maman autant qu'il l'avait détruit. J'avais ce désir de le rencontrer, mais ce jour là, que ferais-je ? Serais-je heureuse, blessée ? Autant il était possible que j'oublie toute ma rancune et que je cherche à rattraper le temps perdu, autant il était possible que je continue de lui en vouloir et que je lui fasse des reproches... On ne sait jamais ce qu'il adviendra. Alors, advienne que pourra.

Sans m'en rendre compte j'avais laissé mes yeux s'emplirent de larmes, et le silence s'éterniser, je n'en pris conscience que lorsque le sensei me proposa de venir m'asseoir moi aussi. Laissant ma méfiance de côté, je venais moi aussi sur la souche, refoulant mes larmes. Je ne voulais pas pleurer, encore moins devant un pur inconnu.

- Vous... semblez vous aussi avoir un problème avec... ce qui concerne la paternité... Je me trompe ? demandais-je d'une voix douce, compréhensive. Mon... père est bien un neko... Et, tout ce que je voudrais savoir sur ma mère, c'est... qu'est ce que vous pensiez d'elle, à l'époque, quel souvenir vous gardez d'elle ?

J'avais envie de savoir comment les élèves d'autrefois considéraient ma mère, si elle avait été ou non un bon modèle pour d'autres, si elle avait fait la fierté ou non de certains, si au contraire on l'avait méprisée ou d'autres choses. Parce que son journal ne me permettait que d'avoir son point de vue à elle, alors que le point de vue des autres pouvaient bien être différent. Je me demandais aussi comment il réagirait en sachant qu'elle était à présent venue enseigner ici.

- D'ailleurs... Maman a été reçue en tant que professeur ici... de français et de théâtre. Vous la reverrez sûrement, du coup. Je pense qu'elle sera heureuse, elle voulait retrouver ses amis d'autrefois. D'ailleurs, vous n'auriez pas une femme, une sœur ou une personne de votre famille qui était au lycée aussi et qui connaissait maman ? Votre nom me dit quelque chose...

Un sourire vint flotter sur mes lèvres, je me sentais un peu plus sereine qu'avant près de Seiumi-sensei, j'avais compris que je pouvais lui faire confiance, qu'il ne me ferait rien. Et puis, d'un coup, je remarquais quelque chose d'étrange dans son aura, un détail auquel je n'avais pas prêté attention plus tôt.

- Vous... avez mal quelque part ? Je ressens une douleur venant de vous... Une douleur physique...

Ma voix se fit un peu timide sur la fin, un peu gênée de dévoiler mes pouvoirs de cette manière là, avec un presque inconnu, encore pire.

Je l'écoutais attentivement, attristée de voir la manière dont certains pouvaient traiter leurs enfants. Légitimes ou non, quelle importance ? C'était d'une stupidité... Cela me dégoûta au plus haut point, et je compris soudainement que moi, j'avais de la chance, dans ma famille. Même si Luze et moi ne nous apprécions pas vraiment, et que Yuze me faisait la guerre, j'avais la chance d'avoir mon frère, mais aussi ma mère, qui m'aimaient tous les deux. Certains n'avaient même pas cette chance là.

Et puis, je retrouvais un petit sourire lorsqu'il parla de maman, m'emplissant de fierté à cette instant. Même si ces éloges étaient dirigées vers elle, je ne pouvais qu'être fière de voir qu'un homme qui semblait aussi respectable que Seiumi-sensei avait l'avait prise pour modèle.

- Le passé doit rester ce qu'il est... Même si parfois c'est compliqué, enfin... Il faut aller de l'avant et voir le bonheur qui nous entoure... Je suppose... Je m'interrompis, souriant franchement cette fois. Maman rougirait de vos compliments, en cet instant. Elle n'a jamais eu la prétention d'être si importante aux yeux de quelqu'un, de quelque manière que ce soit.

Je sentis une odeur de bonbon à la fraise venir me titiller avant même qu'il ne sorte le paquet, et, quand il m'en proposa, ce fut avec une petite hésitation due à une pointe de timidité que je vins en prendre un, le mangeant tranquillement. Je tenais ma gourmandise de Maman. Mais aussi de mon vrai père, si j'en croyais les dires du journal intime de ma mère. Lorsqu'il parla de son épouse Mirajane, je tiltais. Mirajane Scarlett, la cousine de ma marraine.

- Oui c'est elle ! Elle était au comité de sécurité aussi, pas vrai ? Et c'était une Scarlett, à la base, non ?

Il sorti alors deux bouteilles de lait à la fraise, et je du dire que cette fois je n'hésitais pas vraiment quand il m'en tendit une après avoir posé le paquet de bonbons entre nous, le remerciant doucement avec un petit sourire. J'ouvrais ma bouteille, pour boire une gorgée bien rafraîchissante, avant de rire un peu à ses paroles, ne répondant pas aussitôt. Je le regardais d'abord se lever avec difficultés, et marcher un peu clopin-clopant dans la clairière avant de revenir. Je grimaçais légèrement, avant qu'il ne m'explique.

- Bien sûr que vous pouvez m'appeler Himeka, je suis une de vos élèves après tout. Et en effet, j'ai les mêmes pouvoirs qu'elle, je distingue les auras avec précision, je peux y lire les émotions et ressentis des personnes qui m'entourent. Je marquais une petite pose, le temps d'acquiescer. C'est un lourd sacrifice en soit, mais je suppose que pour la survie de votre famille et de vos amis, c'est un bon compromis... Toutefois, malgré ce que tous semblent croire... Les pouvoirs ne sont en rien ce qui détermine notre force. Notre force se mesure au mental, pas au physique... Partagez-vous mon avis ?

A sa question, je me renfrognais un peu, hésitante quant à parler de ces problèmes qu'il y avait au sein de ma famille. Mais après tout, il s'était un peu ouvert à moi, il méritait que je fasse de même. Je sentais que je pouvais lui faire confiance, son aura était bienveillante, ce qui me rassurait, au fond. Alors, je décidais à me confier un tant soit peu.

- Non, vous avez raison. Luze, mon beau père, et moi, ce n'est pas l'amour fou... Il ne jure que par sa fille Yuze, qui est ma demie-soeur. On a manqué s'entre-tuer plus d'une fois, on ne se supporte pas... C'est dur de vivre comme ça, même si je peux m'appuyer sur mon frère jumeau. Maman ne supporte plus les disputes continuelles à la maison. Je pense que c'est un peu pour ça qu'elle a décidé que l'on viendrait tous ici. Pour tenter de calmer les choses...

Je soupirais légèrement, en venant chiper un bonbon dans le paquet entre nous, le regard un peu dans le vague, tandis que mon esprit divaguait par-ci par-là.